Aziz, c’est ce gars de l’ombre qui met en lumière un phénomène. Ce phénomène, c’est Candide Thovex, inutile de vous dire qui c’est, puisqu’il a une page Wikipedia. Du coup, on va plutôt vous parler de cet homme, qui derrière sa caméra et ses skis aux pieds réalise des images de dingue.
Lui, c’est Aziz et c’est le drone humain étanche à la neige made in La Clusaz. Mais c’est aussi le cameraman de Candide Thovex. Ces deux-là se connaissent depuis tout-petit d’ailleurs. Aziz nous a raconté la première fois où ils se sont rencontrés.
Je faisais partie d’un club de ski à Entremont. On nous emmenait en station le matin et, le soir, on venait nous chercher. On était libre toute la journée sans encadrant, donc je skiais avec mes amis d’enfance. Un jour, du côté de Balme, je faisais des bosses parce que ça m’attirait. J’étais pas le seul, il y avait surtout un petit garçon qui en faisait aussi et chacun regardait les sauts de l’autre. Puis, on a pris le télésiège ensemble et on a ridé ensemble. C’était Candide, et ça a tout de suite matché entre nous. L’année suivante, je l’ai retrouvé au club de La Clusaz, j’avais 10-11 ans. On a continué à skier, avec comme référence les “grands” du club : Edgar, les Quenet, Les Collomb-Patton, Fabien Cataneo, Rafael Monod, Antoine Rachel, Seb Michaud… Il y avait pas mal de beau monde.
Depuis ils ne se quittent jamais, toujours en vadrouille dans le monde entier ; ou plutôt là où l’on peut skier. Des petites vidéos pour commencer lorsqu’ils étaient plus jeunes à de la grosse production comme Ski The World, Aziz a développé sa passion pour l’image et en même temps ses compétences. Aujourd’hui, il s’épanouit à filmer du ski mais pas que. « Je suis un peu le drone humain« .
Depuis toujours je suis attiré par l’image. Au début, je n’étais pas autant à fond que maintenant. On avait les cams sur le casque et ça m’a tout de suite plu. Un jour, on s’est dit que ce serait bien d’avoir un autre point de vue. C’est de là qu’on a mis une perche avec un stabilisateur. C’était pas si simple !
Il fallait se caler pour le cadre parce que l’écran est tout petit. Des fois, tu jettes un coup d’œil pour savoir si c’est à peu près cadré. Sinon, avec l’habitude tu fais tes réglages entre toi et le matériel.
Finalement, je suis un peu le drone humain (rire). Le drone et le follow c’est complémentaire en vrai, on n’est pas du tout en concurrence. Il y a des spots, on préfèrera le drone, d’autres le follow sera mieux. Parfois, tu ne peux pas suivre quelqu’un correctement en drone, alors le follow apporte un autre point de vue. Pour moi, tu ne peux pas faire une vidéo qu’au drone, techniquement tu es obligé de tourner autour de la personne sur des longues distances. Après, ça dépend aussi du drone et du pilote !
Pour Ski the World, on a beaucoup voyagé, skié sur tout sauf de la neige. C’était un défi, une expérience intense, parce qu’il fallait sortir des images tous les jours. En fait, tout était calé avec les billets d’avion, un spot par jour, parfois deux jours.
Skier aux 4 coins du monde, ça demande du temps et surtout beaucoup de préparation pour identifier les spots, les conditions météo et les différents risques qui existent. Filmer des athlètes, qui plus est en réalisant leurs exploits, ça demande beaucoup d’entraînement. Surtout lorsque l’on parle de ski où l’on évolue en montagne et où l’on doit composer avec les éléments, la neige, le risque d’avalanche, le relief … Aziz nous livre le mode d’emploi pour être capable de “poser le cerveau, tout en réfléchissant”.
On est très prudent. On ne va pas dans des endroits avec un trop gros risque. En fait, on aime le ski avec de la vitesse et assez ouvert. Du coup on n’a pas besoin d’être dans des faces vraiment dangereuses. Ça peut être des belles faces, joueuses, des couloirs, etc. Mais, les spots avec trop de rochers, par exemple,
on n’y va pas trop.
Forcément, tu dois parfois poser le cerveau pour des sauts. Ça m’est arrivé aussi à La Clusaz. Par exemple, le spot derrière les cabines, entre le rocher et la gare d’arrivée de Balme. Cette fois-là, je revenais d’une opération de la hanche. J’avais skié 2-3 mois et on est direct allé sur ce spot, et c’était chaud. Pour certains sauts, il faut plusieurs passages pour mieux appréhender et se détendre. Après 2-3 fois, tu as moins de pression même si c’est toujours très tendu.
Skieur hors pair mais également athlète de haut niveau, il a participé au Freeride World Qualifier. Avec humour, il s’est amusé à nous lister son palmarès médical et ses plus grosses frayeurs :
Tibia péroné, 4 fois la luxation de la hanche, 2 vertèbres, le poignet, l’épaule, les côtes… Enfin voilà quoi. A chaque fois, c’était des gros crashs, surtout la hanche. La première fois, avec l’adrénaline, tu ne sens pas tout de suite la douleur. Une fois qu’elle arrive par contre, c’est insoutenable. La plupart du temps, je me suis fait mal quand je skiais pour moi ou bien en compet’.
Une fois, lors d’une compétition de freeride, c’était la 4ème fois que je me faisais mal à la hanche. A ce moment-là, je me suis dit que j’arrêtais. C’était un jour blanc. On ne voyait pas bien. La neige n’était pas top. Il faisait -15°, mais on a couru quand même. L’accident est arrivé et j’ai été un peu freiné dans l’esprit de compétition.
Tomber pour mieux se relever. La séquence de la compétition terminée, il était temps de profiter du plaisir de glisser sans point, sans juge, sans note, juste pour soi. Le plaisir avant tout. “J’ai pu combiner ski et plaisir”.
J’ai fait de la compétition, en bosse, freestyle, puis freeride. Et, à un moment donné, ça ne m’apportait plus grand chose à la fin. Je voulais faire du ski pour le plaisir et c’est tombé au même moment que cette opportunité. C’est comme ça que j’ai pu combiner ski et plaisir. Bien-sûr, je regarde toujours le World Tour, ça a évolué dans le bon sens, mais les conditions sont moins bonnes qu’avant. Parfois, c’est dangereux sur certaines faces. Aujourd’hui, le freeride c’est le plus dur à organiser.
Ça dépend de beaucoup de paramètres : météo, avalanche… Et il y a aussi des choses en jeu qui poussent à le faire.
Être le caméraman de Candide Thovex, ce n’est pas de tout repos. Premièrement, il faut arriver à le suivre. Deuxièmement, le faire avec une caméra à la main. Ce n’est pas le job que l’on peut faire jusqu’à 62, 64 ans… Manu si tu nous lis… “Je resterai toujours dans l’image”.
Je réfléchi forcément à l’après, mais je n’ai pas senti de différence pour l’instant entre avant et maintenant. Je me poserai des questions en temps voulu, mais je resterai toujours dans l’image je pense. Aujourd’hui, je ne fais pas que du follow, je fais un peu de trépied, encore plus cette année, car je me suis cassé le scaphoïde. Finalement, l’avantage c’est que parfois tu es bien avec le trépied, tu as un peu moins de pression, mais d’autres fois, tu as quand même envie de skier (rire). Ça reste différent.
Avec un emploi du temps bien rempli, il slalome entre la vie d’athlète et la vie de super papa avec ses deux enfants. Pas facile de trouver le bon équilibre. Lorsqu’il est à La Clusaz, il profite de cet environnement calme et paisible pour se ressourcer. “Tant qu’ils sont heureux, c’est ce qui m’importe”
L’été, c’est plus chill. Deux ou trois projets par-ci par-là.. Je fais un peu de sport, de rando, de renforcement musculaire. En général, je me laisse un mois de repos et après je reprends tranquillement. C’est le plaisir avant tout, je m’entraine avec des copains. L’hiver, je suis plus dans le rush, il faut sortir des images,
ce n’est pas toujours facile. Il faut du temps, de l’énergie, on prend plus de risques et il y a de l’adrénaline.
Concernant ma vie de papa, ils sont encore petits, Khalil est à la crèche. Il n’est pas encore très chaud pour le ski (rire). Tilila est en grande section, elle a déjà commencé ! Je ne les force pas, je veux qu’ils fassent ce qui leur plaît. Tant qu’ils sont heureux, c’est ce qui m’importe.
À La Clusaz, Balme est ce que Byzance était à l’empire Romain. Et Aziz ne dira pas le contraire. “Avant, bien-sûr c’était pas mal fréquenté, mais moins en hors-piste”
L’hiver quand j’ai du temps libre j’adore aller à Bellach’, ou la combe du Clocher à l’Étale. J’aime aussi beaucoup les bois, surtout quand il fait mauvais. Après, Balme pour moi, c’est un spot vraiment ouf, c’est difficile de trouver mieux. Des spots avec 1000m de dénivelé, il n’y en a pas beaucoup. Tu peux tout faire, du grand ski, des sapins, des jumps… En fait, tout est condensé au même endroit. Balme, c’est LE SKI quoi ! J’ai eu la chance de découvrir pas mal de spots incroyables, mais à La Clusaz c’est là où je me sens le mieux.
Aujourd’hui, c’est sûr que c’est fréquenté. On ne peut plus s’attendre à avoir de la puff toute la journée par rapport à ce qu’on a pu connaître. C’est aussi l’évolution du ski, du matos, de la mode. Avant, bien-sûr c’était pas mal fréquenté, mais moins en hors-piste. Maintenant tout le monde a le casque, le sac à dos et c’est parti. C’est peut-être un effet de mode aussi. Je ne pense pas qu’il puisse y avoir plus de monde que ça, je ne sais pas (rire). Quand tu regardes bien, c’est surtout les jours de beau temps et de puff, mais c’est normal en même temps.